Mukoma Wa Ngugi - Là où meurent les rêves
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Mukoma Wa Ngugi
Traduit de l’anglais (Kenya) par Benoîte Dauvergne
Avril 2018
240 pages
ISBN : 9782815927840
4ème de couverture :
Qu’est-ce que ça te fait à toi, l’homme noir d’Amérique, d’être au Kenya ? »
Voilà une question qui taraude l’inspecteur Ishmael. À Madison, Wisconsin, États-Unis, c’est un problème lorsqu’un militant africain, célèbre pour son attitude héroïque lors du génocide rwandais, accepte un poste à l’université. Alors quand une jolie blonde est retrouvée assassinée devant sa porte, on frôle l’embrasement de la ville. Ishmael, rare Afro-Américain dans le coin, est chargé de l’enquête. Un appel va tout bouleverser : « Si vous voulez la vérité, vous devez aller à sa source. Venez au Kenya. » C’est le début d’un voyage qui le mènera à un endroit encore meurtri par le génocide, où les flics locaux tirent d’abord et interrogent ensuite. Bien que ce soit la terre de ses ancêtres, la quête lui semblera terrifiante, car dans les bidonvilles de Nairobi, chercher la vérité peut tuer…
L’auteur (site de l’éditeur) :
Mukoma Wa Ngugi né aux États-Unis en
Il est le fils de l’écrivain Ngugi Wa Thiong’o. Là où meurent les rêves est le point de départ d’une série policière.
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Comme le New York Post l’écrit : cela change du polar scandinave !
Ishmael, flic dans le Wisconsin, état quelque peu encore ségrégationniste, le Klux-Klux-Clan y sévit encore, retrouve une jeune fille blanche morte sur les marches d’une maison habitée par un noir. Cela signifie automatique que celui-ci a tué celle-là, sans aucune forme de procès ! Petite précision importante. L’auteur présumé du crime est un héros, survivant du génocide rwandais qui aurait sauvé des milieux de personnes et la jeune morte blonde aux yeux bleus ! Pourtant la police ne trouve aucun lien entre les deux et Joshua, professeur renommé, a un alibi. L’inspecteur doit marcher sur des œufs, cet homme est un héros national, que dis-je un héros international qui connait parfaitement l’art de fédérer (manipuler ?) les foules et, dans son pays, le dessous de table est la première partie obligée de toute négociation.
Suite à un coup de fil, anonyme bien sûr, et pour découvrir l’auteur véritable de ce meurtre, Ishmael se retrouve au Kenya, accueilli à l’aéroport par David Odhiambo, dit O du Criminal Investigation Department.
On peut dire que les méthodes ne sont pas du tout, mais alors là pas du tout les mêmes. La justice peut être expéditive et punitive sans autre forme de procès.
Que ce soit dans son pays ou au Kenya, Ishmael n’est jamais à la bonne place. Noir dans un pays de blancs aux USA, il est considéré comme blanc à Nairobi. Il est toujours en porte-à-faux ; heureusement que O est là pour l’aider dans son enquête.
Mukoma Wa Ngugi dépeint parfaitement la situation aux USA « Si je devais donner un conseil aux criminels noirs, ce serait celui-ci : ne vous en prenez pas à des personnes blanches car les autorités ne laisseront pas tomber tant qu’elles ne vous auront pas attrapé… Lorsque le criminel est noir, et sa victime, blanche, l’affaire n’est jamais close… Si la victime avait été noire, je ne serais certainement pas en train de faire des heures supplémentaire à Nairobi. »
Par le filtre de l’enquête, Mukoma Wa Ngugi parle du génocide du Rwanda, des réfugiés qui vivent à Mathare où chaque quartier est habité par une ethnie différente. «Cet endroit était une terre de souffrance, une tour de Babel inversée qui descendait jusqu’à l’enfer au lieu de s’élever vers les cieux. »
L’auteur va droit au but, suit la route sanglante qui devrait les amener au meurtrier. Je découvre que les organismes humanitaires ne sont peut-être pas blancs de chez blanc. Sauver quelques vies humaines, d’accord, mais d’abord, faire du fric. Ensuite quel est le prix d’une vie humaine. Faut-il sacrifier plusieurs vies pour en sauver une ? Derrière un héros, il y a-t-il un salaud ? Peut-on être à la fois de là-bas et d’ici ? Toutes ces questions sont évoquées et donnent, peut-être, une explication, un début de piste à la justice expéditive et foudroyante des deux flics.
J’ai beaucoup apprécié l’ humour quelque fois acide, caustique, la désespérance, malgré tout, pleine d’espoir. L’écriture est dense, les phrases m’ont tenue sous tension. Un livre qui m’a valu une nuit très, très écourtée.
C’est le premier d’une série. Je serai ravie de retrouver Ishmael et son collègue O dans de nouvelles péripéties.
Livre lu dans le cadre Explorateur du polar organisé par Lecteur.com, qu’ils en soient remerciés et découverte d’un nouveau flic.