Selma Dabbagh - Gaza dans la peau
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Selma Dabbagh
Traduit de l’anglais (Palestine) par Benoîte Dauvergne
Septembre 2017
360 Pages
ISBN 9782815921909
4ème de couverture :
Gaza est bombardée. Rashid est en train de regarder les obus tomber en fumant un joint quand il reçoit l’e-mail lui annonçant qu’il peut partir à Londres. Iman, sa sœur jumelle, ne supporte plus les atrocités et l’inaction qui les entoure, elle envisage de rejoindre un groupe de résistance islamique. Sabri, leur frère aîné, a perdu sa famille et ses deux jambes dans un attentat à la voiture piégée. Leur mère semble avoir un passé trouble. Leur père a fui pour s’établir dans un pays du Golfe.
Le récit suit la vie de cette famille, la façon dont chacun essaie de se trouver une place au monde, le fossé croissant entre les factions palestiniennes, la montée du fondamentalisme… Roman noir car la pression est constante, la réalité dépeinte tragique, mais écrit avec une humanité et un humour extraordinaires, il donne à voir une autre Palestine.
L’auteur (site de l’éditeur) :
Selma Dabbagh ancienne avocate des droits de l’homme, est née en 1970 en Écosse, d’un père palestinien de Jaffa et d’une mère anglaise.
Elle se rend chaque année en Palestine. Gaza dans la peau est son premier roman.
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Des cartes géographiques sont dessinées en début du livre et permettent une meilleure compréhension. Rien de tel que ces dessins pour montrer le partage des terres par les Nations Unies en 1947 et l’inexorable grignotement des terres palestiniennes.
Gaza n’est que ruines et, de surcroit, en plus de toute la corruption dont l’homme est capable, l’Organisation et les intégristes font des tentatives de division se tuent entre eux. Les islamistes mettent à profit tout conflit familial, tout désespoir, pour tenter une incursion et faire du recrutement. La suspicion est de rigueur. Pourtant, il y a des petites joies, de l’espoir, la population est jeune mais que de haine, de mépris de la part de l’occupant.
Les premiers arrivants juifs ont connu le pire, mais l’homme étant ainsi fait qu’il fait ce qu’on lui a fait subir. « Ces récits, voyez-vous montrent à quel point certains des premiers juifs à immigrer en Palestine étaient choqués. Tout juste réchappés de l’enfer de l’Allemagne nazie ou des autres camps d’Europe, voilà qu’ils débarquent en Palestine, cette terre sacrée, l’endroit idéal pour un nouveau départ, et constatent rapidement que leur propre peuple adopte les mêmes tactiques que les nazis pour se débarrasser des Arables – les Palestiniens ». Seulement trois ans après…. Ce peuple qui bande les yeux des hommes, les entasse dans des camions et les jette de l’autre côté des frontières. ». Le professeur Myres, que rencontre Rashid, a toujours étudié la Palestine, jeune soldat, il y était et parle des lois britanniques de l’époque qui régissent encore « les bouclages, le scellage des maisons, les couvre-feux, les démolitions et tout le reste. Elles sont britanniques toutes ces lois. » et encore, « voyez-vous, c’est nous qui formions les émigrants juifs, nous qui les armions lorsque nous exécutions les Arabes sous prétexte qu’ils cachaient quelques balles rouillées. Ensuite, les juifs ont décidé que nous n’en faisions pas assez. Ils ont donc commencé à nous attaquer à notre tour… Ils ont remporté une victoire haut la mais en 19748. »
La famille Muhajed vit parmi tout ça, dans un petit immeuble de Gaza. Sabri, le fils aîné, membre du Fatah a perdu sa femme, sa petite fille et ses jambes dans un attentat lors de l’Intifada et travaille à un mémoire sur les sévices commis par l’occupant. Il fait partie de l’Organisation. Son frère, Rashid, ne trouve pas sa place dans la famille et se défonce à l’herbe. Il vient de recevoir, le sésame, un visa pour continuer ses études à Londres. Sa sœur jumelle Lana, enseignante, est revenue à Gaza et fait partie d’un comité de femmes où elle s’ennuie ferme. Elle est approchée par Manar en vue d’un recrutement côté islamiste. Une recrue de choix car elle est la fille d’un ancien dirigeant de l’OLP.
D’ailleurs, le père est parti dans le Golfe et a abandonné, presque contraint et forcé, après quelques révélations gênantes, l’encadrement de l’Organisation.
Quant à la mère, qui semble si lisse, ne vous y fiez pas, c’est la colonne vertébrale de la maisonnée et a un passé.
Voici pour la petite histoire dans la grande. Selma Dabbagh, très bien documentée, démonte une partie du mécanisme odieux. C’est le système occupant-occupé dans toute son horreur. « N’as-tu pas constaté que l’ennemi –et tu ne dois pas oublier de qui il s’agit- se sert de la tentative d’attentat de cette Hajjar pour justifier le bombardement d’ hier soir ? Souhaites-tu donc être comme elle ? Une militante ratée qui leur permettra de nous pilonner ? » C’est une drôle de course à la terreur. L’occupant bombarde Gaza parce qu’il y a eu tentative ou attentat. Les islamistes recrutent dans les rangs de l’OLP parce que Israël pilonnent Gaza, l’OLP, plus modérée parlemente pour essayer quoi ? Ils se tiennent tous comme dans une ronde infernale et les Gazaouis comptent leurs morts.
Un livre prenant qui permet une ouverture sur cette langue de terre morte, si disputée. Des pierres contre des bombes, est-ce équitable ? Se faire voler sa terre, écraser sa maison, tuer sa famille est-ce une vie ? Messieurs les anglais, vous avez tiré les premiers et voici le résultat d’une politique d’expansion économique et, surtout, coloniale.
« Je ne peux plus supporter cette situation ! … Ce n’est pas possible, nous ne pouvons plus nous entretuer. Non ! Je n’en peux plus ! Après tout ce que nous avons déjà subi » Parole d’une Gazaouite
Roman noir pour une réalité plus que noire. Suivre la vie des Mujahed donne plus de vérité, de concret à ce livre, permet de suivre tous les courants qui circulent au sein de cette famille et donc du pays.
Avec ce superbe livre, percutant, éclairant, je découvre une nouvelle maison d’éditions l’aube noire sous l’égide d’Harmonia Mundi bien connu dans le monde musical de qualité.
Livre lu dans le cadre Explorateur du polar organisé par Lecteurs.com, qu’ils en soient remerciés.