Aline Kiner - La nuit des béguines
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Aline Kiner
Août 2017
336 pages
ISBN : 9782867469466
4ème de couverture :
Paris, 1310, quartier du Marais. Au grand béguinage royal, elles sont des centaines de femmes à vivre, étudier ou travailler comme bon leur semble. Refusant le mariage comme le cloître, libérées de l’autorité des hommes, les béguines forment une communauté inclassable, mi-religieuse mi-laïque. La vieille Ysabel, qui connaît tous les secrets des plantes et des âmes, veille sur les lieux. Mais l’arrivée d’une jeune inconnue trouble leur quiétude. Mutique, rebelle, Maheut la Rousse fuit des noces imposées et la traque d’un inquiétant franciscain… Alors que le spectre de l’hérésie hante le royaume, qu’on s’acharne contre les Templiers et qu’en place de Grève on brûle l’une des leurs pour un manuscrit interdit, les béguines de Paris vont devoir se battre. Pour protéger Maheut, mais aussi leur indépendance et leur liberté.
Tressant les temps forts du règne de Philippe le Bel et les destins de personnages réels ou fictifs, Aline Kiner nous entraîne dans un Moyen Âge méconnu. Ses héroïnes, solidaires, subversives et féministes avant l’heure, animent une fresque palpitante, résolument moderne.
L’auteur (site de l’éditeur) :
Aline Kiner est née en Moselle et vit à Paris. Elle est rédactrice en chef des hors-séries du magazine Sciences et Avenir. Passionnée par l’histoire, et en particulier le Moyen Âge, elle publie en 2004 aux Presses de la Renaissance La Cathédrale, livre de pierre. Aux éditions Liana Levi, elle est l’auteur de trois romans: Le Jeu du pendu (2011) et La Vie sur le fil (2014) et La Nuit des béguines (2017).
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1310, au grand béguinage royal du Marais à Paris, fondé par Saint-Louis, Ysabel, guérisseuse, qui connait le pouvoir des plantes, recueille une jeune femme blottie contre la porte d’entrée du béguinage. Cette jeune personne a la mauvaise idée d’être rousse, couleur considérée comme appartenant au diable et Ysabel a fort à faire pour ne pas qu’elle soit de nouveau abandonnée. Cette jeune femme a subi des sévices sexuels et doit être protégée et soignée.
Autour de Maheut, c’est son prénom, se bâtit une intrigue très convaincante. L’atmosphère religieuse de l’époque avec l’église catholique qui voudrait voir les béguinages détruits et leurs pensionnaires dans des établissements religieux cloîtrés. C’est vrai, ces femmes qui vivent seules, et, surtout, libres sans la tutelle masculine à laquelle ces dames et demoiselles se devraient d’être attachées, rattachées à un mâle. « Quoi qu’il en soit, toute femme n’étant ni épouse ni nonne est suspecte. Surtout lorsqu’elle s’acharne à prêcher, usurpant les privilèges du clergé. Et des hommes. »
Philippe le Bel veut purifier la religion catholique. « Philippe est littéralement hanté par la peur de l’hérésie. »Il s’en prend à l’ordre des Templiers « Il est vrai que depuis l’arrestation des Templiers, les rumeurs les plus effrayantes circulent. Hérésie, sorcellerie, sodomie… Les moines soldats souffrent d’un péché originel : ils ont obtenu de porter les armes et de verser le sang, tout en étant religieux. Ce statut qui contrevient à la stricte division des clercs et des laïcs dans la communauté des fidèles, à un ordre social voulu par Dieu lui-même, les expose à tous les soupçons de déviance. ». Les Templiers ont été soumis à la question « Ils ont été soumis à la question avec beaucoup d’efficacité. Selon l’inquisiteur général, c’est une méthode fiable pour emporter la vérité. Je ne permettrais pas de le contredire. Mais la vérité qu’on obtient est souvent celle que l’on cherche. » Ainsi parle Dame Perrenelle, maîtresse du grand béguinage, une personne qu'Ysabel respecte beaucoup et qui sait gérer le clos et l’extérieur.
Et puis, il y a ce livre qu’a écrit Marguerite Porete, béguine dans le nord de la France. Pour ce livre, « Le miroir des âmes simples et anéanties », jugé hérétique, Marguerite meurt sur le bûcher en juin 1310. Il ne subsiste aucune trace du manuscrit
Ce même livre sera un des fils rouges du roman d’Aline Kiner. Beaucoup de très belles descriptions qui paraissent réalistes. A travers l’histoire du béguinage du Marais, je découvre la vie parisienne dans les années 1300 où, « même dans la mort, les miséreux ne peuvent reposer en paix ». Les autorités religieuses ont fort à faire avec tous les provinciaux qui montent à Paris pour se louer, qui espèrent trouver une vie meilleure. Les gueux et les miséreux ne sont plus soumis comme les serfs des campagnes.
Le clergé veut absolument assujettir les béguines, ces femmes un peu trop libres et indépendantes, très, trop, cultivées « Du soupçon, ou de l’inquiétude face à la liberté des pieuses laïques, il semble que l’on soit passé à l’accusation. »
J’ai aimé cette plongée dans le Paris du moyen-âge, appris la présence de béguinages à Paris. Ah, le Paris de cette époque, sale, odorant, bruyant, grouillant, vivant qui s’oppose au calme, à la sérénité, au secret du béguinage. Les béguines ont le droit de travailler à l’extérieur du béguinage. Ainsi, dans le quartier de la soie, rue Troussevache très exactement, vit et travaille Jeanne du Faut. Elle possède un atelier où travaillent tisserandes, brodeuses, crépinières.
Le béguinage est un lieu clos protégé où les femmes pieuses mais laïques, célibataires, veuves, s’épanouissent, osent, ont des convictions et peuvent les mettre en valeurs, si elles ne sont pas contraires aux bonnes mœurs. Je comprends que cela ait chagriné ces messieurs.
Ne nous voilons pas la face, l’hérésie peut revenir et, une fois encore, ce seront les femmes et les érudits qui, en premier, en subiront les conséquences. Les premières car, voyons les femmes se doivent d’être soumises, les intellectuels car, le savoir est contraire à l’obscurantisme.
Aline Kiner a écrit un livre passionnant, un bel hommage aux béguines, femmes libres tellement humaines.
Un livre d’histoires et d’histoire qui pourrait, malheureusement, devenir d’actualité avec la montée de la religiosité et de l’intégrisme. Veillons ! la nuit des béguines ne dit pas revenir