Gudbergur Bergsson - Il n'en revint que trois

 

Il n’en revint que trois

Gudbergur Bergsson

Traduit de l’islandais par Eric Boury

Editions Métailié

Janvier 2018

208 pages

ISBN : 9791022607308

 

4ème de couverture :

Une ferme perdue en Islande, à des kilomètres du premier village, entre un champ de lave, des montagnes et des rivages désolés. Le ciel est vide et les visiteurs sont rares.

Mais l’écho de la Deuxième Guerre mondiale ne va pas tarder à atteindre ses habitants. Soudain soldats, déserteurs, espions débarquent, mais aussi radio, route, bordels et dollars. Puis viendront les touristes. L’ordre ancien vacille et ne se relèvera jamais.

Les personnages de Bergsson sont tout d’une pièce, rugueux et âpres comme la terre qui les a vus naître. Il y a ceux qui partent, ceux qui restent, ceux qui reviennent. Faut-il s’arracher à ce morceau de terre où rien ne pousse ? Ou guetter le renard en ignorant les secousses de l’histoire ?

Un texte sec et fort qui décrit le basculement brutal de l’Islande dans la modernité, les bégaiements de l’histoire, la force magnétique de certains paysages, qui sont comme des gardiens de la tradition familiale : nul n’y échappe.

 

« Une histoire du peuple islandais du XXe siècle : le livre le plus fort et le plus remarquable de Gudbergur Bergsson. » Fréttabladid

 

L’auteur (site de l’éditeur) :

« Gudbergur Bergsson est un grand écrivain européen. Ce qui inspire son art en premier lieu, ce n’est pas une curiosité sociologique ou historique, encore moins géographique, mais une quête existentielle, un vrai acharnement existentiel, qui situent son livre au centre même de ce qu’on pourrait appeler, selon moi, la modernité du roman. »

A propos de l’Aile du Cygne, par Milan Kundera

 

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« Dans ce lieu isolé où le ciel était le plus souvent chargé de nuages bas, il ne se passait jamais rien. Les gamines n’allaient plus tarder à faire leur communion, et elles s’ennuyaient ». Même pas la possibilité de s’échapper pour aller à l’école, c’est la grand-mère qui leur donne des cours. C’est-à-dire que les gamines apprennent par cœur ce que la grand-mère a étudié dans le manuel scolaire « Interdit à la vente » la veille au soir lorsque toute la maisonnée est endormie.

Elevées par leurs grands-parents dans une ferme isolée, il y a de quoi s’ennuyer ferme. Seul, le colporteur raconte dans chaque maison, les mauvaises nouvelles du monde. « Heureusement,  nous vivons dans un pays où ces agitateurs publics n’existent pas. Ici, nous avons de quoi manger et vous vêtir même si les terres cultivables sont rares. »

La nature sauvage et austère a façonné les personnages âpres, durs. Pourtant, ils savent être accueillants lorsque des promeneurs, comme les deux anglais, arrivent. Ils partagent la pitance des fermiers sans que leur soit posé une question.

La guerre éclate et l’Islande devient base anglaise puis américaine. Imaginez le changement. Les islandais passent subitement du XIXème siècle au XXème. L’Islande, occupée perd son intégrité. L’argent devient facile pour ceux et celles qui travaillent ou flirtent avec l’occupant.

La dernière guerre mondiale permet à l’Islande d’entrer dans le monde moderne avec, en contre partie, la perte de son âme.

Le roman balaie cette période de grands changements depuis la seconde guerre mondiale jusqu’à nos jours et l’arrivée du tourisme de « masse », l’utilisation de la géothermie, une modernisation à marche forcée. "Cette guerre est une aubaine. Vous ne le comprenez pas ? Si seulement elle nous permettait d’entrer de plain-pied dans le présent. Ce serait un miracle pour la couronne islandaise".

 

Gudbergur Bergsson observe une certaine distanciation avec  les personnages de ce roman jamais nommé autrement que par leur lien de filiation. Ainsi,  le gamin reste toujours le gamin, même adulte ce qui désoriente quelque peu lorsqu’il transforme, après guerre, avec la sœur de sa belle-mère, la ferme en hôtel de luxe. D’ailleurs, il me semble que cette ferme qui dans les années quarante n’avait pas l’électricité, où les gens vivaient en autarcie, devient, après sa transformation, symbole du modernisme à marche forcée. Le travail à la ferme ne paie pas, le tourisme, si. La ferme du bout du monde est devenue « hôtel biodynamique » auprès des touristes étrangers ou locaux.

Au fond de lui, le gamin n’a pas changé, il rigole en lisant ce genre de commentaires sur le livre d’or de l’hôtel : « Il ne manquait ici qu’un terrain de golf et, peut-être, un aérodrome qui permettrait aux millionnaires de venir en jet privé pour goûter la quiétude de cette merveilleuse nature » ! Il regrette le temps où les promeneurs étaient accueillis à la ferme sans que rien ne leur soit demandé. Il ne retrouve plus cette entraide qu’il affectionne.

Dans le livre, les femmes tirent leur épingle du jeu et prennent les rennes de leurs vies et du commerce dans le cas du gamin.

L’auteur traduit très bien la nudité, l’immensité superbe du paysage, la solitude qui en découle. Son écriture est dépouillée comme les paysages islandais. L’ennui des deux gamines est palpable, la haine du fils pour les yankees aussi. J’ai retrouvé l’atmosphère de l’occupation découverte dans les livres de Svava Jakobsdottir, un locataire, ou les deux premiers tomes de la trilogie Arnaldur Indridason. Une histoire d’amour-haine entre l’occupant et les islandais.

Une image forte ; Pour moi, le fils, remarié avec une islandaise, se trouve « remisé » dans la chaufferie sur un grabat lorsqu’il devient impotent représente l’Islande traditionnelle alors que sa femme, représente l’Islande nouvelle.

Une lecture très intéressante.

 

 

 

 

 

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U
Jérôme s’est ennuyé, pas toi... du coup j’hésite :) merci de ta participation !
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Z
J'aime le climat islandais
U
Il me tente mais je suis un peu refroidie par les bémols de certains.
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Z
Je peux te l'envoyer, tu te feras ta propre idée
K
Je n'ai pas été séduite par ce roman... il m'a manqué quelque chose.
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Z
Mon bémol est la frontière floue entre avant et maintenant
A
Il me tente de plus en plus. Surtout ce que tu dis sur l'Islande ancienne et moderne.
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Z
Ce n'est pas celui que je préfère, mais la transition entre l'ancien et le moderne fut brut
J
Je me suis tellement ennuyé dans ce roman... une vraie déception alors que je pensais vraiment me régaler.
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Z
Il est vrai qu'il n'y a pas beaucoup d'actions, c'est plus un livre d'atmosphère
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