Pierre Demarty - Le petit garçon sur la plage
-
Pierre Demarty
125 pages
Septembre 2017
ISBN : 9782864329312
4ème de couverture :
« C’est un petit garçon couché sur le sable de cette plage de nulle part, de n’importe où, où il n’y a rien et où il n’y a personne, où la mer n’a pas de couleur et où il n’y a pas de ciel, pas de vent, pas de bruit, pas de lumière. Le petit garçon est couché sur le ventre. Tourné légèrement de trois quarts, vers nous. »
Un soir d’été, un homme, dans une salle de cinéma, est bouleversé par l’image d’un enfant abandonné sur une plage. Quelque temps plus tard, une autre image, d’un autre enfant, sur une autre plage, vient en écho raviver en lui cette émotion violente et incompréhensible. Ces deux images, s’embrasant au contact l’une de l’autre, vont révéler les fêlures intimes de cet homme qui jusqu’alors se croyait à l’abri des soubresauts du monde et des remuements du cœur. De réminiscences en visions, sa vie vacille en silence, débordée par une lame de fond qui renverse et transfigure tout sur son passage : les certitudes, les beaux jours insouciants, l’enfance perdue, ses mystères et ses châteaux de sable, et le regard fragile, d’amour et d’effroi mêlé, que portent sur leurs fils les hommes qui sont un jour devenus des pères.
L’auteur (site de l’éditeur) :
Pierre Demarty, né à Paris en 1976, est éditeur de littérature étrangère et traducteur.
========================
Les premières pages décrivent Aylan, ce petit syrien trouvé mort noyé sur une plage turque, son corps rejeté par la mer a fait le tour du monde.
« Le petit garçon porte un T-shirt rouge, légèrement remonté sur le ventre et le dos, laissant apercevoir une bande de peau blanche, et un short bleu marine, ou noir, ou un pantalon, remonté aussi, sur les mollets petits et blancs, jusqu’aux genoux. Ses deux petits pieds sont chaussés de baskets bleues, ou noires, on ne sait pas, on ne voit pas bien, aux semelles en caoutchouc beige foncé. »
Une description à la fois détaillée et hésitante, plusieurs réitérée, comme une litanie. Comme pour mieux marteler l’ineptie de ce petit corps sur le sable.
Ce petit garçon le ramène au jour où dans un cinéma, seul, le reste de la famille est en vacances à la montagne, il est submergé par l’émotion en voyant la scène suivante au cinéma : c’est le soir, un homme et une femme s’enfoncent dans l’eau, le tout petit garçon qui est resté seul sur la plage assiste à la scène et pousse des cris d’effroi. Dernière scène du film. Il reste là, dans son fauteuil, à pleurer.
«C'est un homme doux, effacé, un homme à qui la vie n’a pas fait de bruit et qui lui-même n’en a pas fait beaucoup. Il a quarante ans, un emploi, une femme, deux enfants, un appartement, des collègues, des amis, une famille, des souvenirs, des biens, des dettes, des loisirs, des vacances des soucis, des secrets, pas beaucoup, des goûts, des opinions, des projets, des doutes, des regrets, des espérances, des satisfaction, une situation, une existence. ». Cet homme est totalement percuté, perturbé par ces deux images qui se superposent. Il ne peut plus faire comme avant, s’enferme chez lui, arrête son travail, puis, comme une fuite et ou un besoin impérieux de retrouver son nid, il part retrouver sa femme et ses deux garçons.
Maintenant, il sait, il a perdu de ses certitudes. Ces images ont changé sa certitude du bonheur, du bien-être, elles remettent en cause son regard sur les enfants, sur la vie. Oui, ses enfants sont mortels, ne sont plus les demi-dieux qu’il imaginait. Même son image de lui a changé.. « Il aura fallu une fois, puis deux. Deux petits garçons sur la plage »
Alors, Aylan a tout ramené, le cœur s’est vrillé et il a fait ce qu’il n’avait jamais fait auparavant ; il est allé regarder ses garçons dormir au milieu des peluches.
Ce livre est un livre d’images grâce à l’écriture de Pierre Demarty. Des photos nettes, d’autres floues, de la couleur, du noir et blanc. Les photos que l’on regarde avant de débarrasser la maison du bord de mer, les images que les enfants garderont de cette journée singulière et, à tout jamais, pour moi, lorsque l’on me parlera d’un petit garçon sur la plage, le petit Eylan.
Le style de Pierre Demarty, fait d’itérations, toujours semblables, jamais pareilles, vous savez, comme le ressac, les vagues. Est-ce pour donner plus de force à ces deux destins tragiques ? Est-ce pour mieux appréhender l’indicible ? Je ne saurais le dire, mais c’est très efficace. Un livre qui ne se donne pas à la première page, il faut l’accepter, se laisser porter par les vagues des phrases de l’auteur se laisser saisir, submerger par la douleur. L’homme est à notre image, sous le poids de tous ces hommes, femmes, enfants, noyés délibérément en Méditerranée.
Superbe. Les Editions Verdier, quoi