Oscar Lalo - Les contes défaits
-
Les contes défaits
Oscar Lalo
224 pages
Août 2016
ISBN : 9782714473868
4ème de couverture :
Peau d'âme, noire neige, le petit poussé... Il était zéro fois... c'est ainsi que commencent Les contes défaits.
Peau d'âme, noire neige, le petit poussé... Il était zéro fois... c'est ainsi que commencent Les contes défaits.
L'histoire est celle d'un enfant et de l'adulte qu'il ne pourra pas devenir.
Je suis sans fondations. Ils m'ont bâti sur du néant. Je suis un locataire du vide, insondable et sans nom, qui m'empêche de mettre le mien. La page reste blanche car tout ce qui s'y inscrit s'évapore.
Sans rien dire jamais de ce qui ne se montre pas, loin de la honte et de la négation, Oscar Lalo convoque avec ses propres mots, pourtant universels, la langue sublime du silence...
Et c'est en écrivant l'indicible avec ce premier roman qu'il est entré de façon magistrale en littérature.
Oscar Lalo a passé sa vie à écrire : des plaidoiries, des cours de droit, des chansons, des scenarii. Quand est venu le moment d'écrire Les Contes défaits, il n'y avait plus de mots disponibles. Alors il les a inventés, et il est devenu écrivain.
« Ce qui m’est arrivé ne m’est pas arrivé. Ce que je sais, c’est que c’est arrivé à d’autres, et qu’eux non plus ne le savent pas. Ma vie est un conte qui n’existe pas. Un conte inventé qui, depuis, me hante. Un conte impossible : ni fée, ni citrouille, ni carrosse. Un conte vide. »
D’une écriture pudique, presque distanciée et avec beaucoup de délicatesse, le narrateur raconte l’indicible, dont il ne s’est jamais remis.
« On croyait que notre mère savait tout et ne tarderait pas à apparaître, elle qui nous disait si souvent : "Une maman ça voit tout." Non. Et l'homme le savait. Il lui suffisait de faire bonne figure à la gare. Son innocence naturelle séduisait. Les Thénardiers ne ressemblent jamais aux Thénardiers. « L’araignée commence par tisser sa toile. » Ces vacances qui auraient dû être une fabrique à beaux souvenirs ont détruit le narrateur et beaucoup d’autres petits garçons, presque tous en fait. Oui l’araignée tissait bien sa toile et la mère laisse partir ses enfants avec plaisir. « Ce sont nos parents qui nous conduisaient au train. A qui se plaindre quand c’est la police qui vous livre ? »
Le pire c’est que cela se reproduisait à chaque séjour et que les « anciens » devenaient des « dominés-dominants ». « Dans un monde réel, mon silence me condamnait à une peine théoriquement égale à celle des autres participants. Mais nous savions tous que le monde du home s’appuyait sur la non-assistance à enfants en danger. »
Le narrateur est détruit. « Je suis sans fondation. Ils m’ont bâti sur du néant. Je suis un locataire du vide, insondable et sans nom, qui m’empêche de mettre le mien. Raison pour laquelle j’endosse à l’envie n’importe quelle identité. La mienne, je l’ignore. Dans les deux sens : je ne la sais ni ne la veux. Je joue mieux la vie des autres. »
La construction du livre, chapitres courts, phrases courtes, pas de pathos, juste des mots, des ellipses qui parlent de l’indicible sans jamais le montrer, sans jamais le décrire. Pas de voyeurisme dans ce livre, tout est suggéré et ce n’en est que plus fort.
Dans le livre, la colonie de vacances s’appelle home d’enfants jeu de mots terrible avec l’homme d’enfants. « On m’a privé d’enfance comme d’autres de dessert. Sauf que l’enfance c’est l’entrée et le plat principal. A cause de l’homme d’enfants, je suis un homme enfant. Un enfant trop grand et un homme trop petit. ». Les petits garçons n'avaient pas de fées à leurs côtés dans ces contes défaits
Un superbe premier roman qui prend aux tripes, qui fend le cœur, mais qui est d’une dignité exemplaire. Un coup de cœur, plutôt un coup de poing en pleine figure.
La couverture de ce livre est très parlante ; Le gamin se « défait » de la tête
En groupe, on se partageait la solitude. Quand un enfant avait les yeux dans le vide, c’est que l’homme était passé par lui.
La directrice nous frappait, l’homme nous caressait… Pour une claque ou une caresse. La seconde laissait plus de traces.
Nous n’en parlions jamais. Un regard échangé signalait que l’un d’entre nous était tombé.