Lionel-Edouard Martin - Icare au labyrinthe
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Icare au labyrinthe
Lionel-Edouard Martin
Les éditions du Sonneur
74 pages
Mai 2016
ISBN : 978-2-37385-029-1
4ème de couverture :
Accompagné de la jeune et blonde Palombine, dont on ne sait pas grand-chose, si ce n’est qu’elle le trouve tendrement ringard, le narrateur, poète obscur et misanthrope, effectue en voiture un voyage nostalgique à travers la France. Chemin faisant, tous deux discutent littérature, géographie, gastronomie, s’amusent avec les mots, testent des hôtels, avant de regagner la région parisienne, où le narrateur doit prendre part à un événement culturel, ultime étape de ce road trip qui s’achèvera au beau milieu d’un trottoir.
Icare au labyrinthe commence par un éloge de la lentille verte, se poursuit par une violente scène d’orage, une visite chez un étrange imprimeur, une dégustation de vins et des hallucinations dans un musée, pour se terminer par une improbable soirée mondaine. C’est sur ce fond narratif sensible, mélancolique parfois mais toujours empreint d’ironie, que Lionel-Édouard Martin développe sa prose, enrichie d’une satire de la vie contemporaine, particulièrement des milieux artistiques et littéraires.
L’auteur (site de l'éditeur) :
Né en 1956, Lionel-Édouard Martin est l’auteur d’une trentaine de textes, partagés entre poésie et narration – dont Anaïs ou les Gravières et Mousseline et ses doubles, publiés aux Éditions du Sonneur.
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Je me suis installée sur la banquette arrière, le narrateur est au volant avec Palombine à ses côtés. Direction une région très chère à mon cœur : l’Auvergne.
Je découvre que Palombine est jeune et lui 33 ans plus âgé, qu’ils se seraient rencontrés sur FB et que ce périple se passe, comme disent les anciens «en tout bien tout honneur ».
Le narrateur et l’auteur ne font qu’un, Palombine en est l’opposé. Elle est celle qui dit ce qu’elle pense alors que Lionel tergiverse, joue avec les mots « mots menteurs, arracheurs de dents »
Un livre sur les mots, le pouvoir des mots. « Tu prends la route, là, n’importe laquelle, tu débouches sur des mots.» L’auteur joue avec eux qui sont si importants. « Tous ces lieux dits, tous isolés dans leur nom propre, ils sont tous reliés par des voies, par des roues, par des chemins creux. ». Il y a du rythme, de la musique dans ses mots « Le brut qu’on polit, qu’on ponce. Plus seulement l’accompagnement du geste, qu’on danse ou qu’on traie la vache, le pas, le pis qui gicle et qui rythme : l’inutile, et qui te comble, qui ajoute à ton cœur, à ton sans, à tes reins ; et le plaisir des neurones : la cervelle est toute proche de l’oreille. »
Même lorsqu’il nous parle parisien, le parisien branché, bobo, celui qui lui fait réciter les vers de son livre de poésie devant un parterre de gens qui enfilent les verres. « Fin juin. Costume en cotonnade, chemisette, malgré tout sueur aux aisselles durant le trajet dans la torpeur du soir, sans brise, sous terre puis à l’aplomb de la ville, jour, nuit, jour, nuit, l’éphéméride troquée, feuilles qui s’arrachent, temps fébrile, illustrées chacune d’un épisode historique. » N’est-ce pas qu’il y a du rythme une portée musicale derrière ? »
Ce livre est un hymne à la lenteur à l’opposé de la fébrilité parisienne « on vit avec ses rythmes jusqu’à la fêlure, après ça s’écarte ». C’est aussi la solitude du poète qui ne sait sortir de son labyrinthe, le labyrinthe de l’âge, de la mélancolie, avec, comme touche finale, la mort.
Palombine est sa muse, celle qui donne de la légèreté, qui se moque gentiment de lui, qui ose dire les mots vrais. Il l’aime « comme un aime un personnage, comme on aime l’irréel ; comme on aime ce qu’on espère et qui n’est point palpable ». Elle a la vivacité de son âge et lui la mélancolie du sien. Rien d’oppressant, mais plutôt de la gaieté tant le poète et sa muse se répondent, se nourrissent l’un de l’autre. C’est la muse de ce livre. Il l’a pétrie, sculptée, ciselée avec ses mots. A la fin le poète fait mourir Palombine, se retrouve seul et, comme le roi, nu.
La nostalgie y est légère avec l’autodérision qui lui sied à merveille. La vigueur des éclats de rire, des échanges verbaux se font un beau chemin dans le labyrinthe de l’auteur.
Lionel-Edouard Martin tisse les mots pour relier les géographies, lier les opposés.
Un coup de cœur pour ce livre. J’avais déjà lu et beaucoup aimé « Mousseline et ses doubles » et « Nativité cinquante et quelques »
Merci Marc Villemain de m’avoir proposé ce livre plein de poésie et de tripe. Je vous le confirme : j’aime l’écriture de Lionel-Edouard Martin.
Le vin, c’est comme la littérature, ça doit te tarabuster les muqueuses.
L’avarice est une vertu provinciale, regarde le père Grandet qui faisait manger des pommes pourrites à ses convives. Ceux qui revenaient chez lui savaient à quoi s’attendre, et lui savait pourquoi on revenait chez lui : pas pour sa table.
Vichy est une ville lente. De même que la musique, la géographie humaine à ses tempos. A Vichy, le métronome est bas, genre pouls des bêtes hibernantes. On pourrait dire adagio mais, le terme sent par trop l’Italie : c’est que l’Auvergne s’impose, mafflue, lourde. Par quel mot dire tout à la fois « rond », « terraqué », « vert » ?