René-Victor Pilhes - La nuit de Zelemta

 

La nuit de Zelemta

René-Victor Pilhes

Editions Albin Michel

janvier 2016

192 pages

ISBN : 9782226319425

 

4ème de couverture :

A la fin de l'été 1953, Jean-Michel Leutier quitte l'Algérie pour continuer ses études dans un lycée toulousain. Lors d'un week-end à Albi, il fait une rencontre qui va changer sa vie : Abane Ramdane, le plus célèbre prisonnier politique de France, l'un des fondateurs du FLN.

Quatre ans plus tard, devenu officier français patrouillant dans la région de Zelemta, il le retrouve sur sa route, fuyant vers le Maroc.

Ce face-à-face passionnant entre un mythe de la Révolution algérienne et un jeune pied-noir aussi brillant que naïf contient en soi toute la complexité des rapports entre Algériens et Français, les enjeux de la guerre nationale comme les paradoxes de l'Histoire coloniale. René-Victor Pilhes, prix Médicis pour La Rhubarbe, prix Femina pour L'Imprécateur, a toujours exploré, dans une œuvre au style alerte tour à tour féroce, baroque et lyrique, les heures sombres de l'Histoire, en dénonçant les clichés et en éclairant les points aveugles.

L’auteur (site de l’éditeur)

René-Victor Pilhes a grandi à Seix en Ariège, cadre de nombreux de ses romans. En 1955, il est envoyé en Algérie où il restera deux ans.

Prix Médicis en 1965 pour La Rhubarbe, Prix Femina 1974 pour L'Imprécateur, il a publié aux éditions Albin Michel La Pompéi (1985), Les démons de la cour de Rohan (1987), L'Hitlérien (1988), La médiatrice (1989) et La Faux (1993). Il n'avait pas publié de romans depuis près de 20 ans.

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Jean-Michel Leutier, jeune pied-noir quitte son oranais natal pour continuer des études brillantes à Toulouse. Voulant séduire la sœur d’un copain, via la mère experte en bonnes œuvres, il devient visiteur de prison. Le sort le met en présence d’Abane Ramdane, l’un des fondateurs du FLN, emprisonné à Albi, qui, plus tard, sera lâchement assassiné par ses pairs en 1957.

Ses études philosophiques, ses conversations avec Ramdane emplissent son esprit et sa conscience sur l’avenir de l’Algérie. Un avenir où les colons ne sont plus les maîtres de l’Algérie, mais des habitants lambda, où les paysans algériens ne sont plus ravalés au rang de presque serf par les gros propriétaires. C’est avec un regard neuf, décillé que Jean-Michel, lors de ses vacances au pays, mesure le fossé entre les graines que le prisonnier a semé dans son esprit et la vie de ses parents, des habitants de l’Oranais. Cette confrontation entre deux idées de l’Algérie et de la colonisation jette le trouble chez le jeune homme « Jusqu’alors, défricher, bâtir, semer, planter, instruire, enseigner, avait servi de bonne conscience au colonisateur. ». Cette impossibilité pour les colons de comprendre, de voir que tout change autour d’eux « Ce que voyaient ces « Français d’Algérie », c’est qu’il était trop tard. Mais était-ce si évident ? ». Lorsque la guerre, on dit alors, les Evènements, éclate, il suspend son sursis et part défendre ce qu’il considère, avec justesse, son pays.

Blessés plusieurs fois, il se meurt et la visite quotidienne du « petit curé » lui permet de raconter sa courte vie, sa rencontre avec Ramdane et ce qui en découla, la guerre dont la fameuse nuit de Zelemta qui jettera l’opprobre sur ce jeune officier multi médaillé.

Un livre superbement construit qui raconte, expose la guerre d’Algérie sans trémolos, avec rigueur et calme la situation des deux côtés.

Les français de France de l’époque, d’avant la déclaration de guerre, ne se sentaient pas concernés : « L’Algérie, oui, c’était une partie rose sur la carte de l’outre-mer ; mais ce n’était que ça. Non, décidément, ce n’était pas l’Alsace et la Lorraine. »
Je me souviens, pour avoir établi des dossiers, de certains pieds noirs, propriétaires terriens, arrogants avec les subalternes que nous étions. J’avais, à l’opposé, deux collègues fraîchement rapatriés, ceux qu’on appelait « petits blancs » qui pleuraient leur pays. C’était dur à comprendre pour la jeune fille que j’étais, tout en faisant un parfait résumé.

Abane Ramdane a réellement existé. Il fut l’un des créateurs et chefs du FLN, écarté puis tué pour des raisons de pouvoir. « Tour à tour présenté comme un Robespierre ou le Jean Moulin et même le Mao Tsé-toung africain, s’il avait survécu à la guerre, Abane Ramdane reste peu ou mal connu. Cela n’est pas fortuit. Une véritable conjuration du silence en a fait l’oublié, voire « l’évacué » de la révolution algérienne. »

Ramdane vivant, lui qui comparait leur lutte à celle des Irlandais, aurait-il eu le pouvoir et la volonté de faire ce qu’il expliquait à Jean-Michel ? Si le statut Blum-Viollette qui voulait donner la nationalité française aux étudiants « Les étudiants musulmans, tout en restant musulmans deviennent français et qu’aussi imbus de préjugés religieux et racistes qu’ils soient les colons ne puissent leur décrier la fraternité française. » (C’était en 1936) avait été ratifié….

Et la « nuit de Zelemta » me direz-vous ? Je vous laisse découvrir cet épisode humain et très fort.

Un livre, entre fiction et réalité, dans un style très construit ; une belle écriture classique comme je les aime. J’ai trouvé, chez René-Victor Pilhes, beaucoup d’estime pour ces « petits blancs » qui étaient présents en Algérie depuis plusieurs générations ou ceux qui sont venus chercher un avenir meilleurs et, pour les enseignants, un grand désir d’apporter leurs connaissances aux « Arabes », ainsi que pour Ramdane.

Une belle découverte de cette période, guerre qui se cache derrière ces « Evènements » dont on ne parle que très, trop, peu. Un très bon livre.

Le moindre « petit Blanc », s’il était loin au-dessous des industriels d’Alger ou d’Oran et des gros colons de la Mitidja, restait, quoi qu’il en fût, membre de la communauté européenne, et, à cet égard, même « prolétarisé », se distinguait des « Arabes ».

Et puis, « L’Algérie n’était pas seulement loin de Paris, elle était inconnue du peuple français. Celui-ci n’en apercevait qu’une caricature : les caravanes, les dattes, les chéchias, les belles Berbères. A quoi se superposait l’image que les pieds noirs en offraient quant ils apparaissaient en métropole, ou tout au moins deux qui pouvaient se le payer, en vacances ou en affaires, engendrant même une certaines animosité : hâbleurs, bourrés aux as, affichant leur prospérité, parlant des « Arables » comme d’une sous-engeance, avec un cortège de mots les désignant plus péjoratifs les uns que les autres.

« Dans son Algérie natale, il y avait dans un camp ceux qui possédaient presque tout et ceux qui ne possédaient presque rien. Jusqu’alors, défricher, bâtir, semer, planter, instruire, enseigner, avait servi de bonne conscience au colonisateur

Et le pauvre député Viollette de déclarer à la Chambre : « lorsque les musulmans protestent, vous êtes indignés ; lorsqu’ils approuvent, vous vous montrez soupçonneux ; quand ils restent tranquilles, vous avez peur… Messieurs, ces gens n’ont pas de nations politiques, ils ne demandent même pas une nation religieuse, tout ce qu’il s demandent, c’est d’être admis dans la vôtre, si vous refusez cela, prenez garde qu’ils ne créent une nation pour eux-mêmes » Fermez le ban.

Crois-tu vraiment que tu es ici chez toi ? » Voilà pourquoi il était apparu en proie idéale à un Abane Ramdane qui avait promptement décelé cette vulnérabilité. En vérité, c’est un hasard très funeste qui les avait mis en présence, à moins, à l’inverse, qu’il ne se révèle un de ces jours salutaire pour cause de déniaisement politique précoce.

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Y
Je note, en plus il n'est pas très long, juste pour moi, lorsque j'aurai fini les nombreux qui m'attendent
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Z
Très bon livre sans haine
M
Enfin des livres qui parlent de la guerre d'Algérie ! Ils sont encore assez rares pour le signaler et rétablir une certaine vérité. Merci du partage.
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Z
Sans haine
A
Ah non , tu n'en dis pas assez sur cette fameuse nuit !
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A
Il peut voyager ? Me voilà tentée !
Z
Alors, satisfais ta curiosité en lisant ce très bon livre qui peut voyager
Z
Il ne te reste qu'à lire ce très bon livre pour le savoir
J
Ma prochaine lecture. Qui me plaira, c'est certain.
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Z
J'attends ton avis
L
D'autant plus intéressant que ce thème fait l'objet d'un gros chapitre en Histoire pour mes terminales.
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Z
En plus c'est très bien écrit
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