Mariama Bâ - Une si longue lettre
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Une si longue lettre
Mariama Bâ
Les nouvelles éditions africaines
Mars 1981
132 pages
ISBN : 2723604306
Ce livre a été réédité aux éditions Le serpent à plumes en 2001.
4ème de couverture :
Voici un roman qu’on trouvera plein de sensibilité ; mais au prix des riches matériaux humain qui se découvre au long des pages, la sensibilité n’est qu’une menue monnaie. Chaque page, chaque paragraphe, chaque phrase presque, mettent l’accent sur un aspect important de la société sénégalaise, dont les soubassements culturels se trouvent exhumés, expliquant conduites et attitudes. Un grand roman africain est né, et au-delà, une grande romancière.
L’auteur
(source : http://aflit.arts.uwa.edu.au/BaMariama.html) :
Mariama Bâ est née en 1929 au Sénégal. Elevée dans un milieu musulman traditionnel par ses grands-parents maternels, après la mort de sa mère, elle fut scolarisée à l'école française et entra à l'Ecole Normale de Rufisque en 1943 avec des résultats d'examens brillants. Elle y obtint son diplôme d'institutrice en 1947. Elle enseigna pendant douze ans puis, pour des raisons de santé, demanda son affectation à l'Inspection régionale de l'enseignement du Sénégal. Mère de 9 enfants, divorcée, elle fut l'épouse du député Obèye Diop. En 1980 le Prix Noma lui fut décerné pour son premier roman Une si longue lettre. Elle est morte en 1981, peu avant la parution de son second ouvrage. Un Lycée de Dakar, "la Maison d'éducation Mariama Bâ", porte aujourd'hui son nom.
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« Aïssatou,
J'ai reçu ton mot. En guise de réponse, j'ouvre ce cahier, point d'appui dans mon désarroi : notre longue pratique m'a enseigné que la confidence noie la douleur. »
Ainsi commence le livre et ma plongée dans la vie de Ramatoulaye.
« Amie, amie, amie ! Je t’appelle trois fois. Hier, tu as divorcé. Aujourd’hui, je suis veuve. » Dans cette longue lettre de souffrance, Ramatoulaye déroule le fil de sa vie. Sa rencontre avec celui qui sera son époux et qu’elle a choisi contre l’avis de sa mère. Sa vie de première épouse, ses tourments avec en fond, les us et coutumes du Sénégal musulman.
Les Sénégalaises ploient sous le poids de la tradition. Ainsi, Ramatoulaye a-t-elle appris la polygamie de son mari par les frères et le meilleur ami de son mari, le jour du mariage. Imaginez ! Ils sont venus en délégation pour lui annoncer la « bonne nouvelle » ! Le mari ne lui a rien dit, rien de rien !! Oui pour nous c’est incroyable. Elle pourrait faire comme son amie Aïssatou et divorcer, mais, non, elle restera par amour, malgré l’avis de ses filles et continuera de travailler et d’assumer les enfants.
Mariama Bâ décrit la misère ou l’envie de plus de richesse, qui poussent les mères à « vendre » leur fille comme seconde voire troisième épouse à un homme riche mais plus très jeune. C’est d’ailleurs ce qui arrive à Binetou, la seconde épouse.
Bien qu’elle ait 50 ans, le frère de son mari tout juste enterré vient la demander en mariage, car il hors de question qu’elle reste seule ou que sa fortune passe entre d’autres mains. D’autres hommes la demanderont en mariage pour de très bonne raisons ou de moins bonnes. La tradition, la tradition !
Ramatoulaye renâcle devant la dégradation, l’occidentalisation des mœurs, « Notre société actuelle est ébranlée dans ses assises les plus profondes, tiraillée entre l’attrait des vices importés, et la résistance farouche des vertus anciennes… La pollution s’insinue autant dans les cœurs que dans l’air. » Pourtant la modernité a ses charmes car le mari de sa fille partage les tâches de la maisonnée « Daba est ma femme. Elle n’est pas mon esclave, ni ma servante. »
J’ai senti beaucoup de tristesse, de chagrin, de colère, de dignité et d’amour dans cette lettre où une femme, même lettrée, indépendante financièrement est entièrement soumise au mâle et à sa belle-famille. Même si Ramatoulaye accepte à son corps défendant, la polygamie de son mari, elle est résolument moderne dans ses rapports avec ses enfants et sa vie sociale.
J’ai aimé cette si longue lettre entre tradition et modernité, entre joie et souffrance, entre colère et acceptation. J’ai découvert ce titre sur le blogue d’Yv et me suis empressée de le commander à la bibliothèque. Bien m’en a pris.
Comme Yves en lisant le nom de l’auteur, j’ai aussitôt pensé à Madame Bâ d’Eric Orsenna. Maintenant, je comprends mieux l’hommage qu’il lui a rendu dans ce livre.
Le livre se termine sur une superbe phrase : « Le mot bonheur recouvre bien quelque chose, n'est-ce pas? J'irai à sa recherche. »
Le mot bonheur recouvre bien quelque chose, n'est-ce pas? J'irai à sa recherche.