Shmuel T. Meyer - La bouche ouverte
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Shmuel T. Meyer
Editions Serge Safran
octobre 2015
184 pages
ISBN : 9791090175396
4ème de couverture :
Théo aime Caroline, Gabriel aime tante Ingrid, Ingrid aime l’amour et Fanny la vie.
Un siècle, deux générations, trois familles aux destins mêlés ; l’une juive, les deux autres pas. La ville de Genève, son lac, sa nostalgie, et la gourmandise, beaucoup de gourmandise entre les pages.
À chaque chapitre, un aliment typique évocateur de souvenirs ou d’aspirations : tapioca, longeole, gratin de cardons…
Récit émouvant et drôle de plusieurs femmes et quelques hommes attachants, parfois désarmés devant la providence et la puissance d’une histoire qui leur échappe.
Amours, suicide assisté, gastronomie, coffre-fort et secrets de famille… Une sacrée et savoureuse cuisine !
L’auteur (site de l’éditeur) :
Shmuel T. Meyer est né à Paris en 1957. Après une jeunesse nomade en Suisse, Grande-Bretagne et Italie, il s’installe en Israël puis en Europe. Cet exilé de Jérusalem, amant de Genève, à la fois kibboutznik, journaliste et traducteur, a publié quatre ouvrages chez Gallimard et un aux éditions Metropolis de Genève.
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Dès le premier plat, me voici plongée dans mes souvenirs d’enfance. Le gros édredon, le poêle unique, le linoléum, les fleurs de givre sur la fenêtre, le lit en fer et le tapioca (pour moi, c’était de la semoule au lait)… Je trempe ma madeleine, non dans le tapioca, mais dans mes odeurs et sensations enfantines. Nos souvenirs, les bons comme les mauvais, sont souvent liés aux papilles.
Chaque chapitre porte le nom d’un plat et le livre se termine par du champagne ; Normal pour une belle fin. Les souvenirs sont faits de la vie quotidienne avec ses joies, ses peines, ses trahisons, ses deuils…
Les personnages sont attachants ; plusieurs se détachent de leurs liens familiaux (j’aime jouer avec les mots) suite à des attachements hors nature pour leurs milieux sociaux.
Toute la vie est dans ce livre, les amours adultères, la relation amoureuse tante-neveu, la religiosité, le conformisme de certains, l’ennui, l’amour, la gourmandise, le suicide assisté… Beaucoup d’émotions, de poésie, de vie dans les souvenirs de trois familles suisses, liées entre elles où je passe de la bigote à la femme adultère, du parvenu au « vrai bourgeois » (ici j’ai pensé à Brel et Brassens), des portraits de famille, des situations familiales d’où émergent la beauté d’âme d’Anna, Fanny qui en vieillissant a renoncé aux amants mais pas à la séduction. Et Genève ! Surtout ne pas oublier Genève. Anne dit « Genève c’est comme un ventre ». Odile Ferrard, veuve Reymond « considérait Genève comme son berceau ». Tous y vivent ou y reviennent, berceau de la famille oblige. Genève comme une matrice où ils aiment se lover mais d’où certains s’expulsent.
De la nostalgie teintée d’ironie, c’est certain, de la tristesse, non.
Un livre gourmandise. J’ai aimé me promener dans Genève avec eux, revisiter leurs vies. La musique des mots de Shmuel T. Meyer me fait penser au cinéma de Lelouch.
Je vous l’ai dit, dès le début. Ce livre fut comme une madeleine que j’ai grignotée la bouche fermée pour ne pas mettre mes miettes de gâteau dans la vie des personnages de Shmuel Meyer.
Pour finir, cette belle phrase : « Lorsque je les serre dans mes bras, je sais exactement ce que vivre peut vouloir signifier. Ça semble idiot, mais c’est un sentiment électrique et multicolore si puissant qui traverse alors ma peau, ma chair, mes viscères, mes os, jusqu'aux nerfs de mes yeux qu'il me force à ouvrir la bouche pour ne pas le laisser tout consumer en moi.» Et si c’était ça la vie et si c’était ça le livre de Shmuel T. Meyer.
Toujours cette couverture orange si douce au toucher. Merci Monsieur Meyer pour votre gentille dédicace.
J’ai lu ce livre grâce à l’opération de Babelio que je remercie pour cette lecture au goût, pour moi, de semoule au lait.
Avant qu’elle ne parte je l’avais implorée de ma petite voix de tête, de me préparer un bol de tapioca salé au beurre jaune. Je m’y brûlais le palais, ce qui pouvait expliquer les larmes qui submergeaient mes yeux et la morve qui me coulait du nez.
Amos et Sarah étaient assis sur le lit, lorsqu’Anne absorba les cachets que l’infirmière avait préparés. Ils lui tenaient les mains lorsqu’elle ferma les yeux en se forçant à sourire la bouche ouverte.
L’herbe coupée ne fait pas dans la séduction mais dans l’agression. Elle saoule, elle n’enivre pas, ignore le chuchotement, elle affirme. Elle n’est pas une effluve, elle est odeur. Elle est la même partout, elle ne connait pas les nuances
Notre Dieu n’est pas particulièrement sympathique sans vouloir tomber dans un anthropomorphisme que vous allez me reprocher dans les prochaines minutes. Il a changé le règles du jeu en définissant très clairement, trop clairement je dirais, le bien e le mal, l’autorisé et l’interdit. L’humanité n’avait pas besoin de connaître les dix commandements, sans parler des centaines d’autres qui en découlent selon vous et vos collègues.
La tragédie de l’humanité ce n’est pas la mort, c’est tout ce charabia éthique qui nous prend la main de la naissance au tombeau.