Véronique Mougin - Pour vous servir
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Pour vous servir
Véronique MOUGIN
Editions Flammarion
Mai 2015
365 pages
ISBN : 9782081362147
4ème de couverture :
« Gouvernante : nom féminin. Personne qui gouverne, qui a le pouvoir en main. Tu parles ! C'est le plumeau que j'ai en main, moi. Je suis celle qui repasse les robes sublimes de Madame, celle qui sert les invités de Monsieur. Personne ne me remarque mais dans l'ombre je les étudie, ces drôles d'oiseaux. Au lieu de faire domestique, j'aurais pu travailler au Muséum d'histoire naturelle. » Aristocrates maniaques, héritière hystérique, intégriste passionnée, industriel névrosé, sénateur épicurien? Leurs points communs : ils sont riches, très riches, et leur gouvernante c'est Françoise. Après vingt ans d'une carrière silencieuse, la voilà qui raconte sa vie et la leur, avec une réjouissante malice. Des hôtels particuliers de Neuilly aux châteaux du Luberon, elle nous entraîne dans les coulisses de ce théâtre contemporain. Mais quelle mouche a bien pu la piquer ?
L’auteur :
Véronique Mougin est née en 1977. Avec « Pour vous servir », elle signe un premier roman à l’humour décapant. Aussi savoureux qu’instructif.
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Son Michel de mari, cuisinier de son état a vu trop grand et leur restaurant en faillite. Il faut faire bouillir la marmite et les voici donc lui, cuisinier et elle, gouvernante chez les nantis, autrement dit, larbins chez les richards. Je vois bien cela dans la bouche de Michel qui ne supporte pas cet état de « basse caste ». Tout ceci grâce à Séraphin, ange gominé, propriétaire d’une agence de placements qui a su voir le potentiel de Françoise.
Nous suivons le couple et, surtout, Françoise dans ses tribulations ethnologiques au pays des ultras riches. Michel, quant à lui, fera une immersion œnologique qui les mènera au divorce. Mais revenons à nos plumeaux ! Attention, vous entrez dans la quatrième dimension. Une contrée où « Un bon employé de maison est un employé invisible même quand il est là. » Leçon n°4. Où « Rares sont les pensées intimes, les fantasmes les plus secrets, les penchants inavouables, qu’une gouvernante consciencieuse ne découvre pas. » Leçon n°18. Et oui, le petit personnel voit tout, écoute beaucoup de choses ! Mais bon, il y a des limites « la collaboration courtoise entre patron et employé de maison s’arrête où commence la revendication salariale ». Leçon n° 8
C’est qu’il faut avoir l’échine souple dans ce métier de gouvernante. Accepter d’être corvéable à merci, ne pas avoir de velléité d’indépendance, regarder les patrons vivre leurs vies de nababs, mais ne pas vivre sa propre vie. Comme l’écrit l’auteur : « leur vie s’écoule gentiment, sans eux » Leçon n°23. La leçon n° 29 recadre un peu les choses quant à la domesticité !
Quelle « belle » vitrine ! J’ai ainsi découvert des gens qui ont tout et même beaucoup plus, SAUF l’intelligence du cœur, une bonne éducation et là je ne parle pas de l’instruction !
Le coup du caddy est un des plus grands moments de rigolade, juste à imaginer la scène, bien sûr en y mettant l’accent !
Ce livre est judicieusement conçu. A chaque maison le même rituel. Découverte des patrons, connaissance du milieu, immersion totale dans le microcosme puisque Françoise sera toujours logée, plus ou moins bien, mais logée, fin de la collaboration et pour clore le compte-rendu de mission, une petite leçon pleine d’ironie, de sagesse, de vérités. Une sorte d’anthologie de la gouvernante qui ne tient pas le gouvernail. La description du contrat en CDI de la page 363 est un résumé savoureux de la vie de gouvernante.
Véronique Mougin, même si elle pratique l’ironie pour décrire les patrons n’est jamais trop méchante. Pas de vitriol, comme si elle contenait ses émotions, mais une amertume et une rancœur certaines.
Livre lu dans le cadre du Club des explorateurs initié par le site lecteurs.com. Je remercie Karine pour cette lecture édifiante et savoureuse.
« Partout, Elisabeth n’était entourée que d’œuvres inutiles et belles. En revanche, les objets les plus bassement matériels, leur destination, leur fonctionnement, lui échappaient totalement. Ils provoquaient l’étonnement, parfois une légère répulsion.
— Qu’est-ce que c’est que cette horreur, Françoise ?
— Une paire de gants en caoutchouc, Madame.
— Mais pour quoi faire, grands dieux ?
— La vaisselle, Madame.
— Really ? Très bien. C’est affreux mais si c’est pratique, après tout… L’essentiel est que tout cela reste à l’office, n’est-ce pas ? »
Ainsi ai-je dû dévoiler à Madame les rouages du système scolaire public hexagonal, les subtilités de l'emprunt en bibliothèque municipale et les clés d'un ravitaillement efficace au supermarché. -Vous manœuvrez un chariot en acier dans différentes allées, selon un itinéraire prédéterminé, ah ouiiiiiii?
La marmelade coings finit exposée sur la tablette en marbre de la cheminée, entre la coupe gagnée par Douglas au polo et une gigantesque paire de bois de cerf.
Elisabeth Mac Linley était allée au marché.
Vous avez lu ça Françoise ? C’est une journaliste de Libération qui raconte le quotidien des femmes de ménage, vers Lille, Dunkerque, par là-bas… Intéressant, hein, mais dur, vraiment dur. Toutes ces nanas seules avec leurs enfants, qui triment toute la journée la serpillère à la main, sans horaire… Vous imaginez l’horreur ?
- Très bien Monsieur
Monsieur saisit aussitôt les clés du bolide et m’emmena visiter Paris by night. Il pleura sur mon épaule en m’expliquant qu’il n’aimait que sa femme, puis me proposa un crocher rapide par l’hôtel, ce que je déclinai rapidement.
De temps en temps, Madame aimerait bien rouler son personnel ensanglanté dans un tapis. Pourquoi ? Mais parce que la gouvernante est le témoin de tout, même du pire ! Elle lave à plein temps le linge sale de ses patrons et ça finit par le dégoûter, et ça finit par les humilier.