Leïla Slimani - Dans le jardin de l'ogre
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Dans le jardin de l’ogre
Leïla Slimani
Editions Gallimard
Août 2014
224 pages
ISBN : 9782070146239
4ème de couverture :
«Une semaine qu'elle tient. Une semaine qu'elle n'a pas cédé. Adèle a été sage. En quatre jours, elle a couru trente-deux kilomètres. Elle est allée de Pigalle aux Champs-Élysées, du musée d'Orsay à Bercy. Elle a couru le matin sur les quais déserts. La nuit, sur le boulevard Rochechouart et la place de Clichy. Elle n'a pas bu d'alcool et elle s'est couchée tôt.
Mais cette nuit, elle en a rêvé et n'a pas pu se rendormir. Un rêve moite, interminable, qui s'est introduit en elle comme un souffle d'air chaud. Adèle ne peut plus penser qu'à ça. Elle se lève, boit un café très fort dans la maison endormie. Debout dans la cuisine, elle se balance d'un pied sur l'autre. Elle fume une cigarette. Sous la douche, elle a envie de se griffer, de se déchirer le corps en deux. Elle cogne son front contre le mur. Elle veut qu'on la saisisse, qu'on lui brise le crâne contre la vitre. Dès qu'elle ferme les yeux, elle entend les bruits, les soupirs, les hurlements, les coups. Un homme nu qui halète, une femme qui jouit. Elle voudrait n'être qu'un objet au milieu d'une horde, être dévorée, sucée, avalée tout entière. Qu'on lui pince les seins, qu'on lui morde le ventre. Elle veut être une poupée dans le jardin de l'ogre.»
L’auteur :
Leïla Slimani, née en 1981, est journaliste à l'hebdomadaire Jeune Afrique. Elle se spécialise dans l'écriture d'articles sur le Maghreb et le Moyen-Orient. En 2014, elle publie son premier roman, Dans le jardin de l'ogre aux éditions Gallimard.
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Dès les premiers mots, je suis dans le bain (cf. la 4ème de couverture) et quel bain !! Les mots ne se cachent pas derrière des ellipses, ils sont là, crus, durs, violents, froids. J’ai quelque peu peiné au début, puis je n’ai pas pu lâcher le livre.
Une Madame Bovary revisitée à la sauce DSK, une Belle de jour puissance 100, enfin bref, une dévoreuse d’hommes du côté sexe, le sentiment, elle s’en moque. Mariée à un médecin qui bosse dur, peu enclin aux ébats amoureux et mère d’un petit Lucien qu’elle ne sait aimer. « Lucien est un poids, une contrainte dont elle a du mal à s’accommoder. Adèle n’arrive pas à savoir où se niche l’amour pour son fils au milieu de ses sentiments confus. »
En écrivant cette chronique, j’ai en tête la chanson de Marie-Paule Belle où le sexe est joyeux, la nymphomanie gaie. Adèle, Son addiction au sexe ne la rend pas heureuse. Sauf peut-être la période de « chasse ». Toujours il lui faut mentir, toujours jouer la comédie, trouver des plans pour faire garder Lucien et mentir à son mari, toujours cette peur de la grossesse, du SIDA, se contenir devant les autres pour ne pas se laisser deviner. Elle mène une vie de toxicomane qui ne peut faire autrement que subir ses pulsions.
Adèle, super active dans sa sexualité est atone dans la vie courante. Elle m’a donnée l’impression d’une algue qui se laisse flotter au fil du courant. Son métier de journaliste ne lui plaît pas, elle ne cuisine pas, ne s’intéresse à rien ni mari, ni fils, rien. Elle se cogne aux murs d’une vie qu’elle a voulue pour faire comme tout le monde.
Seule sa mère a deviné la bête, l'ogre qui est en elle. Je pense qu’elle sait exactement de quoi elle parle car je la devine comme Adèle.
Un premier roman cru, violent, désespéré mais jamais voyeur, ni accrocheur, et, surtout pas, érotique. Avec son écriture clinique mais vive Leïla Slimani s’impose dans le monde littéraire et c’est une très bonne chose.