Elisabeth Alexandrova-Zorina - Un homme de peu
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Un homme de peu
Elisabeth Alexandrova-Zorina
Février 2015
352 pages
ISBN : 9782815909808
4ème de couverture :
« L’important, c’est de ne pas oublier que la vie n’a aucun sens et que c’est précisément son sens principal. »
Au-delà du Cercle polaire, une petite ville russe est aux mains de la plus terrible des mafias, de mèche avec les autorités locales corrompues jusqu’à la moelle. Ces hiérarchies sont parfaitement respectées jusqu’au jour où, sans l’avoir vraiment décidé, Savel Férosse le mal nommé, l’homme de peu, intervient pour arracher sa fille aux pattes des voyous. Et c’est bien malgré lui qu’il devient dès lors une sorte de justicier lancé dans une longue cavale, riche en rencontres et en péripéties. L’auteure mène avec une grande maîtrise un roman aux accents de polar qui pose la question de l’attitude individuelle face à la violence sociale, flirte avec le fantastique et met en scène des personnages emblématiques, admirablement campés.
« Voilà un roman social original et brillant sur la Russie actuelle, écrit dans une prose puissante par une jeune femme pleine de talent. » Zakhar Prilepine
« Elisabeth est une écrivaine fabuleuse, avec un univers d’une originalité typiquement russe. » Bernard Werber
L’auteur (site de l’éditeur)
Elisabeth Alexandrova-Zorina est née à Leningrad en 1984. Elle a grandi sur la péninsule de Kola, au-delà du Cercle polaire. Elle travaille dans l’édition à Moscou et prend une part active dans la vie politique russe. Un homme de peu est son premier roman, sélectionné pour les prix Debut et NOS, déjà traduit en anglais.
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Vous entrez dans le Fareast, ici, laissez toutes vos illusions, tous vos espoirs.
Savel Férosse, un nom qui sonne viril, mâle, violent, enfin, vous m’avez compris. Savel est timide, effacé, bègue, inexistant, rampant. Donc tout le contraire. Savel Férosse n’est pas féroce mais là où il habite la férocité est comme art de survie.
Ce petit employé de la grande usine minière de la ville où il habite est marié à une femme qui l’écrase, le trompe… et père d’une adolescente rebelle qui changera le cours de sa vie. « Partout et avec tous, Férosse était comme la cinquième roue du carrosse : de trop. »
Tout ceci se passe au-delà du cercle polaire dans une petite ville russe, plus proche de la frontière finlandaise que de Moscou. La pègre est aux ordres d’oligarques moscovites. Composée de brutes épaisses prises très jeunes dans l’orphelinat où le chef va faire ses « emplettes » fait la loi, elle fait peur aux habitants. La Tombe, puis Sam dictent aux juges, maires, policiers la conduite à tenir et les lignes à ne pas franchir. Tout le monde s’accommode plus ou moins bien de ces « arrangements entre amis », jusqu’au jour où Férosse…
Ce livre est un roman noir au pays des tous pourris, même la justice et la police. Cette région est oubliée. Poubelle radioactive, les habitants sont laissés à eux-mêmes et comme la nature a horreur du vide et les humains, besoin d’un certain ordre, la mafia s’en donne à cœur joie et en plein jour. En arrivant dans cette ville, vous laissez toutes vos espérances, vous entrez dans le pays de la désespérance, de la noirceur, aucun espoir n’est permis. Pourtant, une petite lueur dans toute cette noirceur baignée de mauvaise vodka ; La forêt qui a accueilli et caché Férosse. Il y a mené un dur combat pour ne pas mourir, mais combat je dirais presqu’équitable et humain. Dans la taïga il fera une rencontre très importante, les Samis qui lui sauveront la vie et lui donneront le désir de continuer. Ce peuple a décidé de fuir l’occidentalisation, le progrès et vivent comme leurs ancêtres. Quelle différence entre ceux deux « peuplades ». Les Samis vivent au plus près de la nature, son simples et bienveillants, ne connaissant, apparemment, pas l’envie, le vol… et vivent en communauté. Les russes, âpres au gain, tueraient pour rien, où écraseraient le plus faible, le plus démuni. Dans ce livre, Elisabeth Alexandrova-Zorina par métaphores interposées nous raconte et critique la Russie actuelle livrée aux gangs, où il ne fait pas bon vivre lorsque l’on est intègre ou honnête et humain.
Chers amis, ne prenez pas peur. Bien que dur, ce livre se lit comme un polar, ce qu’il est un peu par l’intrigue (lire la 4ème de couverture). Elisabeth Alexandrova-Zorina a un humour décapant, ironique, âpre qui donne un je-ne-sais-quoi qui fait que je n’ai pu lâcher le livre. Un premier roman brillant, maîtrisé de bout en bout.
J’espère vous avoir donné envie de lire ce livre qui m’a fasciné.
Yv a aimé
C’est m, c’est ma, c’est ma fi, c’est ma fille !
- On te la prend pour la nuit ! Ricana La Tombe en frottant ses yeux bouffis. On te la rendra demain matin. »
Dans la vie, certains sont nés pour jouer les tire-bouchons et d’autres les bouteilles.
« Il n’y a que dans les séries policières que le bien triomphe du mal » lui disait le vieux juge d’instruction en rigolant et en lui donnant une petite tape sur la tempe. Lui avait gravi deux par deux les échelons de sa carrière.
« Et dans la vie ? C’est le mal qui triomphe du bien ? » Pitchouguine le défit du regard.
« Dans la vie, ils sont de mèche ! » L’autre lui riait au nez.
La ville était si petite que la pègre pouvait la tenir dans son poing. Pour ceux qui n’étaient pas d’accord avec elle, il restait la forêt ; dès lors, c’était le chasseur borgne qui partait à leur recherche. Il lâchait son chien sur les gens comme d’autres sur les animaux, préférant aux peaux de renard les billets poisseux et gras qu’il rangeait, aussitôt les voyous partis, dans la cachette qu’il avait lui-même aménagée sous le plancher.
Si tout le monde affirmait que j’étais le pape, si c’était écrit dans les journaux, si c’était annoncé à la télé, est-ce que vous ne le croiriez pas, capitaine ? Il accompagna sa question d’un clin d’œil.
« Les gens sont malheureux, c’est pour ça qu’ils sont méchants, dit Sevriouga en lui prenant la photo des mains.
- Les gens sont méchants et c’est pour ça qu’ils sont malheureux » répondit Férosse en hochant la tête.