Tiziano Terzani - Un devin m'a dit "Voyages en Asie"
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Voyages en Asie
Tiziano Terzani
Mars 2015
Traduction Isabel Violante, avec le concours de Ioana Herman.
464 pages
ISBN : 9782369560142
4ème de couverture
En 1976, à Hong Kong, Tiziano Terzani rencontre un devin qui le met en garde : « Ne prends surtout pas l’avion en 1993 ! » Seize années plus tard, le 31 décembre 1992, il décide de respecter la prophétie.
Pendant un an, il voyage en train, en bateau, en bus ou à dos d’éléphant, et redécouvre une Asie que le voyageur pressé ne connaît plus. Cette année sans prendre les airs est le prétexte pour brosser l’un des tableaux les plus riches et les plus vivants jamais peints de l’Asie, de sa culture propre, de sa spiritualité et de ses peuples.
Avec lui, on suit la chasse aux esprits dans les ruelles de Bangkok, l’hystérie géomancienne des généraux birmans, les pelotons d’exécution des khmers rouges au Cambodge, et l’on découvre un continent aux prises avec ses propres démons, écartelé entre une modernisation à travers laquelle se dessinent les prémices de la mondialisation et des cultures ancestrales souvent garantes du lien social.
Dans chaque pays visité, Terzani va aussi à la rencontre de nouveaux devins, comme pour jouer avec le prétexte même de son périple et confronter la prédiction initiale aux dires de nouveaux prophètes, pas toujours très inspirés. Mais c’est surtout une façon d’approcher comme personne avant lui la spiritualité propre à ce continent si fascinant. Souvent comparé à Kapuscinski, à Bruce Chatwin ou à Nicolas Bouvier, Terzani signe ici, et de loin, son plus grand livre.
L’auteur (site de l’éditeur) :
Né à Florence en 1938 Tiziano Terzani est une légende du grand reportage. Correspondant en Asie de plusieurs journaux européens, il a vécu à Singapour, Hong Kong, Beijing, Tokyo, Bangkok, Dehli et depuis sa mort, en 2004, son œuvre connaît un succès fulgurant dans de nombreux pays.
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« Dans la vie, il se présente toujours une bonne occasion. Le problème, c'est de savoir la reconnaître et parfois ce n'est pas facile. La mienne, par exemple, avait tout l'air d'une malédiction. Un devin m'avait dit : "Attention! En 1993, vous courrez un grand risque, celui de mourir. Cette année-là, ne volez pas, ne prenez jamais l'avion." Cela s'était passé à Hong Kong. J'avais rencontré ce vieux Chinois par hasard. Sur le moment, ces mots m'avaient frappé, évidemment, mais cela ne m'avait pas tracassé. Nous étions au printemps de 1976, et 1993 me semblait encore très loin. Toutefois, je n'avais pas oublié cette échéance. Elle était restée dans mon esprit, un peu comme la date d'un rendez-vous auquel on n'a pas encore décidé si on ira ou non. »
Terziano Terzani décide de suivre les prédictions l’oracle et ne prendra pas l’avion pendant une année. Bon prétexte pour renouer avec l’Asie qu’il a connue quelques années plus tôt, qu’il aime. Il en voit le changement, la « modernisation », autrement dit l’occidentalisation.
Une année, non pas entre parenthèse, mais une année de flânerie, de méditation, de réflexion, de poésie, de rencontres, de retrouvailles… bref, une année très riche. Le Journaliste, correspondant en Asie de l'hebdomadaire allemand Der Spiegel redécouvre le plaisir des voyages lents, la vie quotidienne « Tous les endroits se ressemblent quand on les atteint par l’avion, sans un effort minimum : de simples destinations séparées entre elles par quelques heures de vol. »
Dans chaque ville, chaque village, chaque pays où il séjournera il demandera l’adresse d’un voyant. Les résultats ne sont pas toujours à la hauteur, mais… il y a toujours un petit quelque chose. Est-ce l’art divinatoire, est-ce l’habitude d’observer leur « client », est-ce de la psychologie, est-ce son besoin d’y trouver quelque vérité. En occident, officiellement, on se gausse des personnes qui consultent, « En Asie, en revanche, la sphère occulte sert encore aujourd’hui pour expliquer les faits divers, au moins autant que l’économie et, jusqu’à une époque récente, l’idéologie. ».
Avec ce voyage tout en lenteur il redécouvre la Birmanie, la Thaïlande, le Cambodge, le Vietnam… Ce qu’il y voit ne lui plait pas trop. En effet, une occidentalisation (une américanisation) à marche forcée fait disparaître toutes les vieilles habitations, les vieux quartiers et, même, la spiritualité asiatique. Les villes ne respirent plus, aucun courant d’air frais ne vient rafraîchir les habitants, étouffés par les tours, autoroutes construites sans schéma (cela me fait penser à ses autoroutes françaises construites dans des couloirs d’orages, de neige, avec tous les désagréments)
Terziano Terzani nous fait découvrir l’autre face du « progrès », de la modernisation de l’Asie. Ce livre, biographie, carnet de voyage, grand reportage ; un peu roman d’aventure, philosophique, spirituel ne se lit pas d’une traite. Comme l’auteur décide de prendre son temps pour voyager, j’ai fait des escales qui m’ont permis de réfléchir à ce qui est écrit. Oh ! Je vous vois venir ! Non, ce n’est pas barbant du tout, au contraire.
L’écriture, classique, est belle. Je pense que la traduction lui a gardé cette beauté. J’ai aimé ce voyage dans le monde asiatique des sciences occultes. Ce que l’auteur dit sur la destruction de la spiritualité asiatique est plus inquiétant car il me semblait que c’était la base de leur civilisation.
Une pépite qui se déguste sur la longueur. La 4ème de couverture est un très bon résumé. Je ne suis pas certaine d'en avoir bien parlé, mais j'aimerais vous avoir donné l'envie de le lire.
Livre lu dans le cadre de la voie des Indés organisée par Libfly que je remercie pour cette pépite.
Les navires accostent en entrant avec une lente pudeur dans les embouchures des fleuves, les ports lointains redeviennent des destinations désirées.
Les gares, en revanche, sont vraies, elles sont les miroirs des villes au cœur desquelles elles sont érigées. Les gares sont proches des cathédrales, des mosquées, des pagodes, des mausolées. Lorsqu’on y arrive, on touche vraiment au but du voyage.
Je pense que la grande bataille de notre avenir sera la bataille contre l’économie qui domine nos vies. Changeons nos critères et nos valeurs. Tant que des valeurs telles que la curiosité, le goût de l’autre, de sa différence, le courage, l’honnêteté, l’amitié, auront un impact dans le cœur de l’homme, elles seront le garde-fou de la civilisation
Pense à l’histoire de l’humanité et aux progrès matériels que l’homme a accomplis. Il a allongé sa durée de vie, il est allé sur la Lune. Mais en vérité, il n’a fait aucun progrès sur la voie spirituelle... Il a peur de tout, il se sent en insécurité, il ne sait pas qui il est
Le sort est négociable : on peut toujours s’entendre avec le Ciel.
C’est étrange de se trouver en présence d’une telle infamie, d’en prendre note mentalement, de photographier sans trop se faire remarquer, de chercher à ne pas se mettre en danger, à ne pas causer des ennuis supplémentaires à ces malheureux, pour s’apercevoir ensuite qu’on n’a même pas eu le temps d’être ému, d’échanger quelques mots de simple humanité. On est soudain face à un gouffre de souffrances, on tente d’en imaginer le fond, et tous ce qu’on sait faire, c’est demander : « Et ça » en indiquant les chaînes.
On trouve ce genre de camps partout nous dit Andrew. Les entreprises privées prennent en adjudication la construction des routes et vont prélever le personnel nécessaire dans les prisons. Si des hommes meurent, elles retournent en prendre d’autres.