Ambai - De haute lutte
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Ambai
Editions Zulma
Février 2015
224 pages
ISBN 9782843047022
4ème de couverture :
« Ce n’était pas à une forêt ordinaire que Chentiru pensait, mais plutôt à la forêt des poèmes classiques tamouls, au cœur de laquelle une eau pure comme le lait se jette en cascade entre des parois rocheuses où s’accrochent des ruches sauvages. Elle voulait séjourner dans une forêt. Une forêt pour laisser derrière elle les bruits de voitures, de conversations, de pas, d’appareils ménagers. »
C’est ainsi qu’on entre, par la puissance du verbe et de l’image, dans l’univers si singulier d’Ambai. Qui nous mêle sans crier gare à la destinée de femmes on ne peut plus habitées – écrivain, musicienne, éditrice, ou femme au foyer par accident –, bousculant soudain, à la faveur d’un geste, d’un départ, d’un renoncement, leur monde tel qu’il est.
Avec son écriture limpide soudain balayée par un trait percutant, Ambai donne au short cut toute l’ampleur du temps romanesque.
L’auteur (site de l’éditeur)
Née au Tamil Nadu, dans le sud de l’Inde, Ambai vit à Bombay. Écrivain, traductrice, universitaire reconnue, elle compose patiemment une œuvre de fiction, qu’elle a choisi d’écrire en tamoul.
À travers les quatre longues nouvelles qui composent De haute lutte, Ambai explore avec une finesse infinie – et une étonnante liberté de ton – toute la complexité du statut des femmes dans l’Inde d’aujourd’hui.
Inédite en français, l’œuvre d’Ambai est une immense découverte.
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4 nouvelles qui me font entrapercevoir la vie de 4 femmes Tamoules. Chentaramai, Châyâ, Cempakam et Chentiru ont pour elles une certaine culture ou une culture certaine et de se trouver mariées à des hommes qui, en toute logique indienne, les étouffent. Une fois mariée, elles n’existent plus, perdent toute importance, deviennent quasi invisibles.
Que la femme indienne tamoule soit jeune ou dans la force de l’âge, elle doit lutter contre la tradition, contre l’enfermement moral Quelle qu’elle ait été avant son mariage, une fois unie au destin d’un homme, elle n’est plus rien que son ombre.
Chentaramai découvre, ce qu’était, dans la vraie vie, son père, poète reconnu et renommé, ses agissements envers sa femme et la maison d’éditions que son père lui avait léguée.
Châyâ élabore des lois dans sa tête à l’encontre des maris comme le sien. C’est le moyen qu’elle a trouvé pour supporter le quotidien avec un homme méprisant à son encontre, grippe-sou. La pensée, le rêve, d’un possible divorce lui a traversé l’esprit.
« Dites-moi ce qu’il y a de révolutionnaire à dire qu’une veuve ne peut espérer retrouver l’accès à une vie digne de ce nom qu’en se remariant ? Nous devrions plutôt l’aider à étudier et à trouver un travail. »
« Quand vous affirmez qu’il est nécessaire de lui associer un homme pour lui offrir un nouvelle vie, c’est comme si vous disiez qu’elle doit toujours rester sous le contrôle d’un représentant du genre masculin, qu’elle doit se glisser dans son ombre, qu’il est son seul refuge possible. » Ces tirades de Râmasâmi, mère de Chentaramai me paraissent être un très bon raccourci aux quatre nouvelles d’Ambai.
Cempakam, chanteuse et musicienne hors pair, reconnue, élue par son maître Ayya ne chantera plus en public une fois mariée au fils de celui-ci et contre son avis. Mais…
Chentiru, elle, est soutenue par son mari mais préfère, les enfants élevés, s’enfoncer dans la forêt pour ne vivre que de poésie et de nature. Dans cette nouvelle s’entremêle la vie de Chentiru, ce qu’elle écrit et la légende.
Ces portraits de femme sont très intéressants et montrent qu’il est très difficile, malgré quelques avancées, d’être femme en Inde, de vouloir vivre sa propre vie. Certaines osent se révolter, certaines trouvent des palliatifs pour supporter leurs vies. Comment faire pour respecter la tradition alors que vous voudriez crier à l’injustice ? Comment ne pas se révolter alors que vous avez un don, beaucoup d’instruction et que l’Autre, le mari, veut et doit briller à votre place ? Comment ne pas se révolter alors que vous êtes chef d’entreprise et que les hommes ne veulent pas avoir à faire à vous et vous ignorent ? Comment ne pas réagir face à ces maris, sont toujours en train de récriminer contre leurs femmes, trop chaud, trop de ceci, pas assez de cela, trop cher, tu es la femme de qui… ? Pourquoi cette si grande distance entre les agissements des pères et des maris ? Ces 4 femmes sont très attachantes et montrent, une fois de plus, le poids écrasant de la tradition et la complexité très grande de la femme dans ce pays. Comme souvent, la vie maritale est faite de petites victoires et de grands désenchantements.
L’écriture d’Ambai est belle, poétique, fine, fluide, subtile avec juste ce qu’il faut d’ironie pour ne pas plomber le livre. Aucune pleurnicherie ne vient altérer les descriptions. J’ai aimé sa façon de parler de la musique et de la littérature tamoules, de sa richesse, de son importance. J’ai aimé les traductions de quelques rimes des chants traditionnels. Mon seul regret ? Le glossaire des noms tamouls en fin de livre que je n’ai découvert qu’à la fin de ma lecture.
Les Editions Zulma, grâce à leur volonté éditoriale, m'ont souvent permis de très belles découvertes
Une belle découverte. Merci Yves
Jostein a aimé
Une fille devrait au moins être capable de cuisiner ! Elle ne sait même pas faire cuire du riz !
Ses études d’abord. Cuisiner, c’est secondaire. Quand elle aura faim, elle apprendra d’elle-même.
Tout homme coupable d’avoir contraint une épouse à céder à ses avances sera assigné à perpétuité dans les quartiers de prostituées !
Il faudrait promulguer une loi qui expose les réalisateurs de films tamouls à des poursuites judiciaires lorsqu’ils représentent la femme en martyre
Comme un élastique étiré jusqu’à la limite de sa résistance, son endurance se brisa net et elle se sentit plus légère.
On l’avait offerte à Bhâskaran, un homme plus âgé qu’elle et plus fort physiquement. Elle était sa propriété au même titre que le sofa et ses coussins. Si son mari mourait, on tirerait un trait sur elle. Rideau. « FIN ». Dans ces conditions que pouvait lui apporter d’avoir lu Freud ?
Alors comme ça, tu as commencé à te faire enseigner par une femme ? Au point où tu en es, pourquoi ne portes-tu pas des bracelets comme elle ?
Il ne connait pas les us et coutumes de notre milieu… Il a engagé des femmes au violon comme au ghâta. Qu’allons-nous faire ?