Joumana Haddad - J'ai tué Schéhérazade

 

J’ai tué Schéhérazade

Confessions d’une femme arabe en colère

Joumana Haddad

Traduction Anne-Laure Tissut

Editions Sindbad

Septembre 2010

144 pages

ISBN 9782742792801

 

 

4ème de couverture :

Si vous abordez ces pages en quête de vérités que vous croyez déjà connaître ; si vous espérez être conforté dans votre vision orientaliste, ou rassuré quant à vos préjugés anti Arabes ; si vous vous attendez à entendre l’incessante berceuse du conflit des civilisations, mieux vaut ne pas poursuivre. Car je ferai dans ce livre tout ce qui est en mon pouvoir pour vous «décevoir».” C’est en ces termes que Joumana Haddad s’adresse au lecteur occidental avant de lui expliquer comment elle et ses semblables peuvent être des femmes libres dans un monde arabe pourtant ravagé par le despotisme et l’obscurantisme.
Mêlant témoignage personnel, méditations, poèmes, elle raconte d’abord ses premiers émois, lectrice toute jeune encore du marquis de Sade, puis son expérience d’adolescente qui grandit dans une ville en guerre, Beyrouth, puis de jeune femme écrivant de la poésie libertine, enfin de femme de quarante ans qui édite le premier magazine érotique en langue arabe.
Tuer Schéhérazade, c’est à la fois vivre et penser en femme libre, en femme arabe et libre, comme il en existe tant… qu’on s’interdit de voir et d’entendre.

L’auteur (source Actes Sud) :

Joumana Haddad est née en 1970. Elle dirige les pages culturelles du quotidien An-Nahar, ainsi que le magazine Jasad (Corps), qu’elle a fondé en 2009. Journaliste et traductrice polyglotte, elle a interviewé de grands écrivains comme Umberto Eco, Wole Soyinka, Paul Auster, José Saramago et Mario Vargas Llosa. Poétesse, elle a publié cinq recueils, dont Le Retour de Lilith (Babel n° 1079), pour lesquels elle a reçu divers prix, notamment le prix de la fondation Metropolis bleu pour la littérature arabe (Montréal, 2010).
Actes Sud / Sindbad a également publié ses essais J’ai tué Shéhérazade. Confession d’une femme arabe en colère (2010 ; Babel n° 1158) et Superman est arabe (2013).

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Comme elle le dit dans sa préface, Joumana Haddad a écrit cet essai, pamphlet devrais-je dire, suite à la phrase d’une journaliste occidentale : « La plupart des Occidentaux n’imaginent pas qu’il existe des femmes arabes libérées comme vous ».

De la colère, j’en ai trouvé à chaque page. Joumana Haddad s’insurge aussi bien contre l’image perçue par nous occidentaux que par l’image que donnent les femmes arabes elles-mêmes. « Oui, une « autre » femme arabe existe. Elle doit être remarquée. Elle mérite d’être reconnue. Et je suis là pour raconter son histoire : parmi celle de beaucoup d’autres, la mienne. » Le stéréotype de la femme arabe voilée, victime, isolée existe, mais elle voudrait tant que l’on regarde les autres, les battantes, celles qui n’attendent pas tout d’un bon mariage, celles qui sont exécutrice de leurs propres existences. Pourtant, elle n’est pas la féministe pétroleuse que ses écrits pourraient laisser penser. C’est une femme, heureuse d’être une femme.

Joumana Haddad a grandi à Beyrouth dans une famille catholique pratiquante et traditionaliste. Tout a commencé lorsque vers l’âge de 12 ans, elle découvre Sade et autres auteurs sulfureux dans la bibliothèque de son père. La littérature a toujours été un garde-fou contre les fureurs de la guerre, pour cette poétesse qui a soif de liberté, qui fuit les contraintes.

Imaginez-vous : femme arabe vivant à Beyrouth -donc, pour certains mâles, une sous-classe-. Vous décidez de créer un magazine. Pourquoi ne pas l’appeler Jasas (corps en arabe) ? C’est ce qu’a fait cette Joumana Haddad. Avouez qu’il faut un sacré culot ou, comme elle l’écrit une bonne dose de folie. Attention, ce n’est pas du porno. Tout y est traité que ce soit sous l’angle littéraire que médical ou social. Pourquoi ce magazine ! « Je sentais une frustration croissante de ce que notre superbe langue arabe avait été justement privée de tout un pan de ses potentiels, de son lexique et de son imaginaire. La plupart des thèmes relatifs au corps étaient devenus tabous au cours de l’histoire récente, alors que notre héritage littéraire antique regorge d’œuvres à faire rougir le plus obscène des auteurs occidentaux. »

Et elle a tenu bon contre vents et marées, contre les jugements, les formules vengeresses « Tu mérites d’être lapidée à mort. Tu pourriras en enfer. Tu corromps nos enfants... »

Que cette femme arabe, qui se revendique arabe, laïque, ose braver ainsi l’univers masculin, je crie bravo et j’applaudis des deux mains. Porter l’étendard de l’athéisme dans ce pays hyper religieux est plus qu’un défi.

L’intégrisme n’est pas que musulman comme elle l’explique dans le chapitre 6.

Parce que, voyez-vous, le sexisme, malheureusement, n’existe pas que dans les pays arabes. Il est partout.

Joumana Haddad a tué Schéhérazade pour que les femmes arabes n’aient plus à obéir, négocier, s’aplatir pour vivre, parce qu’elle représente « un complot contre les femmes arabes en particulier et les femmes en général ». Elle s’en explique dans le très beau chapitre « Post-partum ». Joumana Haddad n’oublie pas d’inviter, par des citations de leurs ouvrages, d’autres femmes arabes vivant dans des pays arabes qui, comme elle, luttent pour leur liberté.

L’intégrisme n’est pas que musulman comme elle l’explique dans le chapitre 6 « Femme arabe ne craignant pas de provoquer Allah » et le sexisme est partout.

Lisez ce livre qui a pour sous-titre « Confessions d’une femme arabe en colère ».

Lire l'avis de Coccinelle

Cher Occidental,
Si vous abordez ces pages en quête de vérités que vous croyez déjà connaître ; si vous espérez être conforté dans votre vision orientaliste, ou rassuré quant à vos préjugés anti Arabes ; si vous vous attendez à entendre l’incessante berceuse du conflit des civilisations, mieux vaut ne pas poursuivre. Car je ferai dans ce livre tout ce qui est en mon pouvoir pour vous «décevoir».

Enfin, et le point est d’importance, bien que je sois une soi-disant« femme arabe », moi et mes semblables ressemblons beaucoup à… VOUS !

Ces « voleurs » nous ont privées de nos vies privées. Ils nous ont volé notre liberté individuelle et civique (le droit de vivre librement, de choisir librement, de s’exprimer librement…). Ils ont détourné notre culture, l’ont profanée et assassinée. Ils en ont fait ainsi de notre avenir, de notre civilisation et de l’héritage arabe des Lumières. La liste de leurs actes de vandalisme s’allonge.

Pour être arabe aujourd’hui, il faut être hypocrite. Parce qu’il est impossible de vivre et de penser selon son gré, en toute sincérité, spontanément et avec candeur. Scindé en deux, on est privé du droit de dire la vérité à l’état brut (et la vérité est brute ; c’est son rôle et sa force), parce que la majorité arabe dépend d’un tissu rassurant de mensonges et d’illusions.

Oui, l’obscurantisme prolifère telle une moisissure, générant des montagnes de menaces, d’agressions, de démagogie et de charlatanisme.

N’ayez pas peur des livres, même les plus dissidents, et en apparence les plus « immoraux ». On ne se trompe jamais en choisissant la culture, qu’elle soit sophistiquée, pop, éclectique, antique ou moderne. Je suis convaincue que la lecture est l’un des plus puissants outils de libération que l’être humain et la femme arabe contemporaine puissent exploiter.

Une femme qui transgresse, c’est « osé ». Un homme c’est ordinaire : il « examine tous les aspects de la vie par l’écriture ».

Tuer Schéhérazade, c'est à la fois vivre et penser en femme libre, en femme arabe et libre, comme il en existe tant... qu'on s'interdit de voir et d'entendre.

Je le répète, y a-t-il une différence authentique, significative et définitive entre la situation de la femme arabe musulmane et celle de la femme arabe chrétienne ? J’ai peur que non. Pas en profondeur. L’injustice, les doubles critères et les préjugés sont visibles avec plus d’évidence chez la première, c’est tout. Or, l’évidence est presque toujours un piège.

Il faut avoir fait l’expérience de la discrimination pratiquée par l’Eglise contre la femme, et vu de près les fondamentalistes chrétiens à l’œuvre, qui ne valent guère mieux que les fondamentalistes musulmans, et lu les mots de saint Paul concernant les femmes, avant de se permettre de semblables déclarations (non pertinentes).

Permettez-moi de le répéter : toutes les femmes arabes ne courbent pas l’échine. Il suffit pour en avoir des preuves flagrantes, de lire les essais d'intellectuelles…

« […] Rien n’est ce qu’il paraît », a écrit Franz Kafka. Il est grand temps que nous tous, Arabes et non-Arabes, en Orient et en Occident, commencions à la croire.

Oui, j’ai tué Schéhérazade. Je l’ai tuée en moi. Et je suis fermement résolue à continuer de tuer tout ce qui montrerait la moindre ressemblance avec elle, en apparence ou en actes, dans mon inconscient, mon imagination et mon esprit.

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A
Un double message dans ce livre, alors.
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S
Je comprends ton bonheur de tomber sur un livre de cette trempe, c'est un sujet qui m'émeut aussi. Quel courage ma parole !!
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Z
J'ai découvert ce livre grâce au commentaire d'une blogueuse sur Libfly
A
Il est certain qu'il y a des femmes qui veulent la liberté partout et des femmes soumises partout aussi .. mais pour les medias, c'est tellement facile de ne s'attacher qu'au plus voyant, sans chercher plus loin. Je le note.
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Z
Cette femme a quitté un confort matériel pour assumer sa vie. Je dis chapeau
J
J'aime de temps en temps, lire des gens en colère. Surtout qu'ici, le message porté semble d'une force incomparable !
Répondre
Z
Oui. J'avais lu la critique de Coccinelle sur Libfly et ai pris le livre à la bibliothèque.
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